Emanuel sat down with Agnès Izrine to talk about the relationship between dance and music in his work, and his collaborations with electronic musician Awir Leon in SUNNY and the Ensemble Modern in his upcoming creation STORY WATER. Read the full interview below:

Photos by Julia Gat & Awir Leon

 

ENTRETIEN AVEC EMANUEL GAT

Emanuel Gat est un chorégraphe qui a reçu une solide formation musicale, lui permettant même de composer les bandes-son de ses spectacles. Nous lui avons demandé quels rapports il développe avec la musique.

Comment utilisez-vous la musique dans vos processus de recherche chorégraphique?

Je ne peux pas dire que j’ai une façon particulière d’aborder l’aspect musical dans mon travail. Je m’interroge plutôt sur la différence et les interactions possibles entre ce que l’on voit et ce que l’on entend, et sur les perceptions que cela va générer chez le spectateur. À chaque pièce, j’essaie d’approcher cette problématique sous d’autres angles, en matière de contenu et aussi de diffusion, ce qui signifie de s’interroger sur les équilibres entre le son et le silence, l’utilisation d’une bande-son fixe ou créée en direct, avec des décisions prises en temps réel.

Que vous a apporté la collaboration avec un musicien comme Awir Leon?

Pour SUNNY, le fait d’avoir un musicien live, le DJ Awir Leon, sur scène pendant les répétitions a ouvert un autre type de rapport. Cette collaboration apporte un dialogue supplémentaire, car c’est une personne qui intervient avec ses instincts, ses impressions, ses idées. De plus, comme il est aussi danseur, le dialogue a été très fluide, très organique. Pour la reprise à la Philharmonie de Paris, la pièce sera présentée dans un dispositif quadrifrontal.

Vous avez également initié une création qui sera créée au prochain Festival d’Avignon avec l’Ensemble moderne de Francfort…

L’Ensemble Modern de Francfort et ses douze musiciens multiplient les échanges. Nous avons déterminé trois partitions, dont deux existantes. Il s’agit de Dérive 2 de Pierre Boulez et de Fury 2 de Rebecca Saunders. Je vais créer moi-même la troisième avec les musiciens en mai prochain. Les pièces sont très différentes, au niveau de la structure ou de l’instrumentation, et pourtant on a l’impression d’entendre deux mouvements d’une même œuvre. C’est étrange.

Qui a été à l’initiative de cette rencontre?

Ce sont eux. Nous étions en tournée à Francfort, ils sont venus voir le spectacle et la programmatrice du Mousonturm a eu l’idée de nous présenter. Nous n’aurions jamais pu réaliser ce projet sans le soutien essentiel de la Fondation BNP Paribas.

Comment  travaillez-vous  avec les musiciens?

J’ai procédé avec eux comme avec mes danseurs, c’est-à-dire en les laissant libres de produire à l’intérieur d’un cadre défini par des consignes. L’enjeu est de créer à partir de leurs phrases musicales. La réponse qu’ils m’envoient diffère à chaque séance. Elle m’oblige à me remettre en question, à réajuster mon écriture à leurs propositions.Nous avons travaillé par petits groupes réunissant à chaque fois des danseurs et des musiciens dans le même espace.

Comment les musiciens ont-ils réagi?

Le premier jour, ils pensaient que j’étais fou. Le lendemain, ils ont commencé à comprendre le but de la manœuvre et ont fini par être très heureux et très impliqués dès qu’ils ont constaté que cette manière de faire leur permettait d’être créatifs, autonomes, tout en restant dans un processus très cohérent. C’était très nouveau pour eux.

Avez-vous déjà défini un thème?

Ce n’est pas un thème qui sous-tend la création STORY WATER, ce sont plutôt les versets du poète soufi Mawlana Jalal-ud-Balkhi (Rumi) (1207-1273), qui questionnent la notion d’intermédiaire pour entrer dans la grâce. «Personne ne peut entrer dans le feu sans un intermédiaire – sauf la salamandre qui s’y cache – il te faut l’eau du bain pour jouir des bienfaits du feu». Avec la musique et nos deux troupes, Emanuel Gat Dance et l’Ensemble Modern de Francfort, je mets en jeu l’idée que le corps est un intermédiaire, une sorte d’écran qui peut projeter des perceptions, des sensations…

Interview by Agnès Izrine 
Originally published in La Terrasse

Header photo by Julia Gat