It’s done! We premiered Emanuel Gat’s new full length creation TENWORKS (for Jean-Paul) at Montpellier Danse 2017 together with the dancers of the Ballet de Lyon. If you speak french (or know how to use Google Translate) check out a few of our reviews:

Le Figaro
Midi Libre
dansercanalhisotrique.fr

EMANUEL GAT CHORÉGRAPHIE UNE PIÈCE PRODIGIEUSE AU MONTPELLIER DANSE

Avec Ten works (for Jean Paul) créé pour ses danseurs et ceux du Ballet de Lyon, le chorégraphe israélien célèbre une belle page d’histoire dans une pièce qui fera date au festival héraultais. Une manifestation qui s’achève le 7 juillet prochain.

«Tout ce que j’ai appris sur la vie, je l’ai découvert en chorégraphiant», dit Emanuel Gat. Le besoin de quitter son Israël natal pour s’installer en France à Istres avec sa femme et ses cinq enfants et poursuivre plus loin l’aventure chorégraphique. Et l’art aujourd’hui de faire palpiter les êtres au cœur de ses pièces.

Depuis trois ans, Emanuel Gat expérimente de nouvelles procédures de création qui éblouissent dans Ten works (for Jean-Paul). «Pour moi, une pièce chorégraphique est une conversation entre les interprètes. Ils ont des chiffres de 0 à 4 qui permet à chacun en le prononçant de changer la vitesse de la pièce. Ils connaissent tous en outre les parties des autres. Chaque variation est découpée en segments qui portent un nom et dont chacun peut faire varier l’ordre d’apparition en le criant aux autres pendant la danse.»

Ainsi le spectacle se crée à leur guise, chaque soir différent. «Il y a juste un compteur sur le côté de la scène pour mesurer la durée», explique le chorégraphe. La clé est que personne ne semble tâtonner ou improviser mais que chacun reste bien en prise avec cette drôle de conversation des corps qui apporte au spectacle une prise avec la vie d’une force et d’une fraîcheur remarquables.

Auparavant, Gat travaille avec les danseurs à établir le matériel chorégraphique en leur posant des questions. Imiter quelqu’un de leur connaissance ou autre. «Je ne note plus les questions. Je me suis aperçu que le faire figeait le travail sur les réponses dans un sens littéral. Maintenant, j’oublie vite de quoi on parle pour suivre les danseurs sur les mouvements qu’ils proposent», dit encore Emanuel Gat.

Le chorégraphe de 48 ans, a découvert la danse à 23 ans alors qu’il se destinait à devenir chef d’orchestre. Il se dit d’emblée frappé par la manière dont les corps dans un groupe créent en dansant ensemble un paysage visuel tout à fait comme un paysage sonore naît du jeu simultané des musiciens.

Aussitôt, il passe à la chorégraphie et signe ses premières créations en 2004 avant de choisir de s’installer en France en 2007 avec le soutien d’Istres, de la Fondation Bnp Paribas et de Jean Paul Montanari, directeur du festival Montpellier Danse. La musique reste dans son esprit primordiale mais non pas comme un carcan qui emprisonne la danse mais comme une composition parallèle qui la contamine, simplement parce que l’ouïe et la vue superposent leurs sensations.

«J’avais alors une vision très traditionnellement verticale de la chorégraphie: je signais 90% de la pièce et n’abandonnais aux danseurs que les 10% de l’interprétation. Aujourd’hui cela a bien changé et je compte bien appliquer le même processus de création abandonnant les vitesses et l’ordre des séquences aux musiciens et aux danseurs dans ma prochaine création dont je composerai une partie de la musique en plus de celle de Boulez».

Le Ten works (for Jean-Paul) qui a enchanté Montpellier Danse a été créé en trois semaines, les danseurs d’Emanuel Gat mêlés dans les studios aux danseurs du ballet de Lyon. La pièce en dix séquences est dédiée à Jean-Paul Montanari qui a, en associant Emanuel Gat au festival Montpellier Danse, ouvert la porte à toutes ces recherches et permis de façonner ce style qui porte haut les beautés et les joies de la vie même.

À partir de la saison prochaine, Emanuel Gat sera également artiste associé à Chaillot. On voudrait que malgré ses 25 danseurs, ces Ten works puissent y être donnés de même qu’à la Biennale de la danse de Lyon. On n’a en effet rarement l’occasion d’assister à pareil chef-d’œuvre.

La pièce organise une succession de dix séquences allant du duo à la pièce pour 25. Le principe de la conversation comme principe de construction des séquences qui s’inventent à mesure, fonctionne à plein. D’autant plus que Gat donne comme règle de son drôle de jeu le respect des principes de la vie même. Les danseurs sont comme des planètes qui gravitent les unes autour des autres. Ils se touchent, se poussent mais ne s’enchaînent pas l’un à l’autre. Il y a simplement attraction ou répulsion, et, lorsqu’ils se mettent à l’unisson, ils vibrent sur des figures empruntées à celles d’un équilibre fragile, sans cesse en recherche de lui-même.

Le dialogue fait naître au sein du groupe des sous-groupes qui émergent et se fondent. La gestuelle fait feu des moindres détails, doigts qui pointent ou font les cornes, comme des grands jetés ou des tours attitude du ballet classique. Elle suit ou contrarie les directions prises par les danseurs qui forment des flux, les effacent, s’y dissolvent, inventent, surgissent. Le jeu de la conversation menée par 25 danseurs brillantissimes et complètement investis multiplie les formes inattendues, conjugue les sentiments les plus divers et laisse le spectateur bouché bée. Comme s’il voyait naître et s’effacer sous ses yeux, dans un jaillissement joyeux et foisonnant, le sel de la vie même.

by Ariane Bevalier
Originally published on lefigaro.fr

DIX PIÈCES POUR LE TEMPS PRÉSENT SUR LA SCÈNE DE L’AGORA

Une heure et demie de belle danse pure, en équilibre absolu, que cette création de Gat à Montpellier Danse, en hommage à Jean-Paul Montanari, son directeur. Pas seulement, dans les chiffres (dix interprètes de la compagnie du chorégraphe pour dix de l’Opéra de Lyon), mais aussi dans les compositions pour ces Dix Pièces en écho aux ércritures musicales: quatre duos, un sextuor, deux dixtuors, deux unissons et, pour décaler le tout, l’inventive improvisation d’un quintet. Pièces oscillant de cinq à treize minutes selon les stricts principes d’une fugue. À souligner aussi la nouveauté d’un modèle de production artistique entre une institution d’État et une compagnie privée, et l’on accordera à cet événement unique une dimension comparable à celle des ballets russes en leur temps.

Ceci dit, on ne chausse pas sa vision des mêmes lorgnettes pour assister à une performance de danse qu’à un ballet de Gat. Est requise une sorte d’éthique de discipline et rigueur, à la fois zen et exigeante. Que les danseurs déboulent au son trépidant du Sinnerman de Nina Simone, telle une volée d’hirondelles saisissant l’espace par vagues brouillonnes et renouvelées créant en fait de bouleversées situations, aussi éphémères que précisément fondée (un jeu tout en rivalité joyeus); que les duos se greffent en phases intimistes, complexes et émouvantes, sur ces plages de liberté affûtées en virtuosité, et l’on perçoit en quoi ce post-classicisme chamboulé pour réconcilier l’âme de la danse avec la danse elle-même eut des prédécesseurs comme Béjart.

Du reste, l’usage des pointes, pas plus empêché que celui des pieds nus; la jolie robe et le pantalon à plis, pas plus que la tunique transparente ou le kilt, noir et blanc, camaïeu, avec des pointes de couleurs vives. Tout en précipité pour de talentueux et fougueux danseurs transposé dans l’élégance des formes. Outre ce, des lumières activant la plastique des corps ou soulignant des temporalités entre confidance et plein feux des studios: des musiques signées Gat, d’autre étonnamment chatoyantes, comme ce quatuor de tubas signé John Stevens.

Avoir été présent à cela, c’est avoir donner du temps à la pensée.

Lise Ott
Originally published on midilibre.fr

MONTPELLIER DANSE: CRÉATION D’EMANUEL GAT

Fractionnement en dix courtes pièces, entremêlement de deux compagnies : des prises de risque, appelant une lecture ardue, pour le chorégraphe que soutient la fondation BNP Paribas.

TENWORKS (pour Jean-Paul) dédié à Jean-Paul Montanari, ne se reçoit pas comme une autre pièce d’Emanuel Gat. Son fractionnement en dix courtes pièces, sa confrontation entre éléments de deux compagnies qui ne se connaissent pas, lui confèrent un impact plus diffus que les pièces plus habituelles de ce chorégraphe. Sa lecture est exigeante, voire ardue. Elle inspire de se demander, à un moment, ce qu’on apprécie tant dans l’écriture de ce chorégraphe.

C’est une affaire de geste, dans un corps très efficacement agencé autour d’une arête vertébrale aussi nette que souple. Celle-ci s’engage volontiers en élévation, se glisse dans des tours brefs, très amples, et très marqués. Tout cela très lisible. Clair. De multiples pauses s’autorisent, sur des déhanchés, des vrillés, des débuts de renverses. Également des suspensions des membres inférieurs. À l’étage supérieur, un foisonnement de gestes provient des bras, avec une élégance hyper-expressive. Une aisance presque nonchalante sourd de cette plasticité pourtant modelée dans l’acuité et la vivacité.

C’est aussi une affaire de composition. De haute composition. Il émane des pièces d’Emanuel Gat une sorte de confiance lumineuse dans la libre puissance des trajectoires et déplacements. Ses dispositifs modulaires misent sur une auto-génération des formes, que les interprètes épousent, sur le qui-vive. Le grand souffle, l’allant libérateur du grand mouvement, aussi savant que grisant, saturé d’aisance, emporte ces pièces. C’en est presque incongru, dans une époque qui s’est déchirée entre les esthétiques heurtées de la performance d’une part, et les fadeurs de la danse au kilomètre d’autre part. Il y a du brillant chez Gat. Mais habité de tension aigüe.

TENWORKS (for Jean-Paul) ne peut se situer à ce niveau habituel de composition. Invité à créer une pièce pour le Ballet de l’Opéra de Lyon, Emanuel Gat s’y est laissé tenter par l’expérience – au demeurant fort rare, donc audacieuse – de mêler dix de ses danseurs habituels, et dix de ce ballet, dans la même distribution. Et d’étoiler sa composition en une dizaine de courtes pièces de dix minutes environ chacune. Celles-ci déclinant des configuration variables, allant du duo au grand effectif complet, avec des solutions tout aussi diverses d’agrégations et combinaisons puisant aux deux effectifs des deux formations respectives momentanément réunies.

Au total, un programme de presque deux heures de durée en découle. Cela alors que les danseurs du Ballet de Lyon n’ont travaillé que quatre semaines avec le chorégraphe invité. Entendons-nous : c’est le propre des interprètes de ce type de formation que de montrer réactivité et adaptablité devant tout type de sollicitations, qui n’arrêtent pas de leur être adressées de façon constamment renouvelée. Il n’y a rien là pour les intimider, d’un point de vue technique.

Oui mais voilà. Il y a quelque chose qui se joue chez Gat, qui œuvre ailleurs. Cela tient d’une imprégnation profonde, inspirant une aisance allègre, confinant à la virtuosité, traduite en termes de vélocité et de complexité échevelée des motifs. Chez Gat, la scène fourmille, s’électrise, s’aimante et se diffracte, avec quelque chose de diabolique.

C’est cela qu’on ne pouvait retrouver totalement dans TENWORKS (for Jean-Paul), sans doute parce que la familiarité d’une pratique de corps quotidiennement partagée au long cours ne pouvait y être convoquée. En échange de quoi, c’est une suite d’études qu’Emanuel Gat y expose, y propose, plustôt qu’il ne compose. Il y met en jeu les principes chorégraphiques, les fondamentaux, qui sont les siens. Il faudrait relater ici la grêle de moments très appréciables qui en découlent. Il faut dire aussi le renouvellement de regard, très attenfif et exigeant, que souvent cela appelle. On regrettera seulement l’éphémère de la chose, TENWORKS n’étant pas, pour l’instant, reprogrammé, même à l’Opéra de Lyon.

by Gérard Mayen
Originally published on dansercanalhistorique.fr